Le Moyen âge
à travers la littérature locale
Pierre-Georges Duhamel pour « Jean de Berry »
Julien Molard pour « Vers l’unité de la France »
Jacques Faugeras pour « Perrinet Gressart »
Pierre Braud pour « l’imagier du duc de Berry »
Débat animé par Jean-Baptiste Luron pour « RCF en Berry » également diffusé sur « Terroir du Cher ».
8ème épisode :
Qu'est-ce que la période étudiée ici ?
JBL : A chacun des quatre en guise de conclusion, j'aimerais poser la même question. Si l'on comparait la construction de la France avec celle d'une maison, il y a les fondations, et le gros œuvre, la mise hors d'eau, la mise hors d'air et la finition et la remise des clefs. Pierre-Georges Duhamel, vous pourriez peut-être, par Jean de Berry, parler de la remise des Clefs?
PGD : Oui, mis enfin, je voudrais rappeler que le Moyen âge, d'après les augures officiels, cela dure mille ans. Pendant ce temps-là, on a le temps de faire beaucoup de constructions et d'amener une maison à l'achèvement. Jean de Berry, c'est la première tentative pour poser un toit. Mais c'est une tentative qui va avorter, il ne faut pas oublier, car il y aura la fin de la guerre, la reconstruction, avec des gens comme Alain Chartier dont nous a parlé Julien Molard. La reconstruction véritable n'arrivera qu'au moment de la renaissance. Mais la tentative qui a eu lieu sous le règne des Valois et de Jean de Berry en particulier, est une chose extrêmement intéressante et sortant de l'ordinaire.
JBL : Julien Molard, j'aurais envie de vous dire c'est le gros œuvre.
JM : C'est vrai. Mais c'est difficile de parler de cette façon-là. On est dans une période très difficile. 1422, c'est la période la plus difficile. Pourtant, toutes les fondations de la nouvelle France se font là. C'est incontestable. Louis XI n'aurait pas été Louis XI sans cette gestation. Ce que vient de dire Pierre-Georges Duhamel sur la renaissance est tout à fait vrai parce que Alain Chartier est un des premiers qui revient sur l'antiquité. C'est un ecclésiastique même s'il n'a pas été prêtre. C'est un des premiers qui a fait référence à Lucrèce et à Cicéron. On n'est qu'en 1422. On n'est pas encore à la renaissance. Quand j'entends parler de Jean de Berry comme j'en entends parler, cela me fait plaisir. Et quand je vois ce qu'a apporté Alain Chartier, je me dis qu'on avait tous les éléments d'une renaissance française, typiquement française.
JBL : Vous, Jacques Faugeras, avec tous les guerriers, c'était plutôt la mise hors d'eau ?
JF : La dernière phase de la construction d'une maison, c'est peut-être une mise hors d'eau. Mais dans nos traditions, il en est quand même une autre à la quelle personnellement je me suis associé, c'est la bénédiction de la maison. J'ai remarqué que nous avons parlé de Jeanne d'Arc. Nous avons parlé de Michelet. Il faut remarquer que le nom même de Jeanne d'Arc était devenu pratiquement ignoré, tout au moins en matière d'enseignement, jusqu'au moment où Michelet a écrit son histoire de France. Et c'est ce vieux mécréant de Michelet qui a redonné à Jeanne d'Arc son profil d'héroïne nationale. Et on peut même ajouter que, toujours frileuse, l'Eglise catholique était absolument absente du débat. Et ce n'est lorsque à l'assemblée on a décidé que Jeanne d'Arc deviendrait héroïne nationale, l'Eglise a décidé d'en faire une sainte.
JBL : Chez vous, Pierre Braud, c'était la mise hors d'air.
PB : Je pense qu'après l'exposé que nous avons entendu sur la construction, j'en arriverais à la ruine de la maison. A un certain moment, toutes ces populations se sont trouvées effectivement avec la ruine de la maison. Leur maison rasée. En ruine. Et que finalement, il y a toujours eu un mouvement de remonte dans les esprits. Et on a reconstruit les maisons. Et le petit peuple a participé à cette reconstruction. C'est lui qui a fait l'effort qui était nécessaire pour participer à cette rénovation nationale dans cette période moyenâgeuse qui a été très marquée par des gens aussi célèbres que celui que nous venons évoquer, le duc Jean de Berry, avec ses travaux somptueux, avec tout son environnement culturel extraordinaire. Mais mon petit fascicule, mon petit ouvrage est basé, justement, sur le quotidien. Et dans ce quotidien, il y a justement, la reconstruction de ces maisons qui ont été détruites par le Prince Noir, par les grandes compagnies. Par toutes ces guerres qui ont toujours ravagé le pays. La seule chose que je vois, c'est que les maisons ont été démolies. Mais elles ont toujours été reconstruites.
JBL : L'histoire, dans l'imagerie populaire, c'est souvent beaucoup trop de dates à retenir, des filiations à apprendre par cœur. Lorsque l'on vous entend, on sent, au contraire, quelque chose de vivant qui redonne goût à cette vie de nos ancêtres. Comment vous êtes vous mis à aimer l'histoire que vous venez de nous conter ?
PGD : En ce qui me concerne, l'histoire, je suis né dedans. Depuis que je suis à l'école, et puis dans mes années grandes écoles et lycées, même depuis ma plus tendre enfance, j'ai toujours été passionné par l'histoire. Je crois que je l'ai découverte dans un livre qui s'appelle "Le Capitaine Fracasse". Je crois que j'avais neuf ans. Et depuis, je n'ai plus lâché les livres d'histoire. J'ai un peu modifié ceux dans lesquels je cherchais mes sources. Mais l'histoire, c'est, pour moi, quelque chose d'absolument vivant et dont je ne comprends pas pourquoi on puisse se séparer. J'imagine quelquefois un hydrographe qui prétendrait nous parler du cour de la Loire et qui se planterait sous un pont à Nantes. Et qui dirait : "J'en sais bien assez pour vous parler de la Loire dans son ensemble". C'est tout à fait faux. En fait, pour connaître la Loire, il faut la connaître depuis le début. Et l'histoire, c'est un chaînon qui se rive à un autre chaînon et qui arrive à faire une chaîne. Et si vous coupez tout cela, vous ne comprenez plus rien. Non seulement ce qui est avant, ce qui, à la rigueur, peut s'admettre. Mais vous ne comprenez plus rien à ce qui vous arrive.
PB : L'histoire, pour moi, cela a commencé quand j'avais douze ans. A cette époque-là, j'avais réussi à avoir une petite boîte de caractères en caoutchouc que m'avait donné ma tante. Et j'avais fait un cachet qui s'intitulait "Pierre Braud, archiviste-généalogiste". Et tous mes bouquins de cette époque-là sont tamponnés avec cette pièce-là. En antériorité, je ne suis pas plus mal placé que quiconque. Par la suite, au lieu d'aller sur les terrains de sport, quand j'avais cet âge-là, j'allais dans les bibliothèques. J'allais dans les archives. J'ai toujours eu la passion du vieux document. J'ai toujours eu la passion de l'histoire qui, après, s'est développée avec celle de la généalogie, parce que j'ai trouvé dans cette discipline, la vie au quotidien. Et j'en reviens à ce quotidien qui est évoqué dans "l'Imagier du Duc de Berry". La vie des gens qui nous ont précédés, et qui est, finalement, semblable à celle que nous avons, mais avec des facettes différentes. Quand nos descendants, dans deux ou trois cents ans, parleront de nous, s'ils en parlent, ils diront "ces gens-là avaient des trucs qui s'appelaient des voitures, des trucs qui s'appelaient des télés, des choses invraisemblables, parce que dépassées pour eux, ils verront notre vie au quotidien. C'est ce que je veux découvrir dans l'histoire. La façon dont nos ancêtres vivaient.
Commentaires
Après Georges Duhamel, vous ressuscitez Jacques Faugeras! Ne pourriez-vous pas en faire autant pour ma grand-mère, rappelée à Dieu (enfin, c'est ce dont elle était persuadée...) en Décembre 1989? Ce serait pour vous l'occasion de recueillir de sacrées perles!
Ces dialogues avaient été enregistrés pour une radio. Puis ils avaient été publiés dans un petit mensuel. Et c'est vrai que Julien Molard et Pierre-Georges Duhamel avaient des propos qui n'étaient pas dénués d'intérêt.
Résurrection ? Non, il s'agit d'archives personnelles que j'ai cru bon partager.