Lucien Jény a fait, sur Bué, un travail exemplaire. Il a lié mémoire écrite et mémoire locale. De ces éléments, il a tiré un ouvrage bien construit. Nous avons la chance d'avoir, depuis, des éléments inconnus à son époque. Il nous appartient de confronter les éléments qu'il nous apporte aux faits que nous connaissons.
Origine du nom de Bué :
Si, comme Buhot de Kersers, Jény nous propose bod comme origine toponymique de Bué, il fait référence au terme breton bod qui signifie lieu habité ou buisson. Les deux historiens locaux font référence à un texte de la cinquième liasse des archives de Chalivoy de 1240 où Bué est désigné sous le nom de Bodium, une forme latinisée de bod, terme celtique. On retrouve cette consonance dans l'anglais build qui signifie construire. C'est pourquoi on comprend mieux que le Breton d'origine Buhot de Kersers ait penché pour cette interprétation.
Mais tous les autres textes ignorent la dentale. On voit même dans le pouillé de 1648 la forme Bueil. La même écriture que la famille qui possédait Sancerre jusqu'en 1628. La forme dominante reste Buy ou Bouy. C'est pourquoi il peut paraître préférable de rapprocher de boii, du peuple boïen.
C'est d'autant plus probable qu'il ne fait plus guère de doute que les nomades de Bohème qu'était cette peuplade de 30 000 personnes, selon César, a été installée par le Romain autour de Sancerre - Saint-Satur. Là encore, la toponymie, berruyère cette fois, aurait dû nous en assurer depuis longtemps avec la porte Gordaine située en direction de Sancerre et non de La Guerche, un temps pressentie.
Il est évident qu'une peuplade si nombreuse ne pouvait se contenter d'une seule ville, Gordona, et qu'elle a eu des "villages nourriciers". Il est alors tentant de penser que des toponymes comme Bué ou Bouhy, dans la Nièvre, aient pour origine une implantation boïenne.
Légende de la bataille des Grands Champs :
Pour Bué, on est encore plus tenté d'y penser que Jény nous parle de l'implantation gauloise sous le titre de chapitre "L'invasion romaine - combat des Grands Champs". En forme de légende, il nous décrit la conquête romaine un peut comme celle du Far West, un combat d'une horde d'indiens contre la cavalerie. Ce, alors que rien ne vient corroborer une telle légende hormis des sépultures trouvées dans un champ proche de l'ancienne gare du tacot.
Il justifie, en effet, sa légende par des découvertes, elles bien réelles. Il en donne les circonstances : lors de la construction de l'église dont la première pierre a été posée en 1868, en tirant une sorte de sable mortier, la "grou", des découvertes ont été faites. Ces découvertes n'ont eu qu'une analyse sommaire. Mais, pourtant, elles ouvrent un grand chantier de recherches.
Oui, le Sancerrois aurait besoin de ces recherches. Pour sa culture, bien sûr, mais aussi pour sa promotion. Des recherches qui ne peuvent être menées et effectuées que par des professionnels.
Légende du prieuré et de la cloche :
Sur ce texte de Jény, là encore, il est bon de se pencher à nouveau. L'historien de Bué écarte un peu vite sa source légendée. Les "guerres du Mouron", la Fronde, ont eu lieu au début des années 1650. Condé avait pris parti contre la régente. Outre la forteresse de Montrond, d'où le nom local de la Fronde, il possède Sancerre depuis une vingtaine d'années. Si l'on en croit Jacques Faugeras, dans son "Sancerre, deux millénaires d'Histoire" que nous avons éditée en 1998, les Condé, bien que peu présent en Sancerrois sont intervenus dans leur ville pur réduire leurs anciens coreligionnaires. La date de la carte représentant un terrain vierge (1670) n'interdit pas une telle hypothèse. Et notamment pour faire détruire leurs temples. Y aura-t-il eu une expédition de revanche ?
Là aussi, les pistes de recherche continuent de s'ouvrir. Des réponses peuvent être apportées en cherchant la mutation des terrains sur lesquels étaient implantés l'"hôtel de Conche" et la construction mystérieuse sur le terrain possédé actuellement par Jacques Auchère.
Le pressoir de Saint Sulpice :
Nous savons, par un plan trouvé aux archives sur l'instigation de la personne chargée de la salle de lecture, qu'en l'an IV, "Saint Sulpice" possédait un pressoir, une grange et une "chénévière" à Venoize ainsi que des terrain du côté de Cerbois. Il importera de situer précisément ces éléments.
Légende des sorciers et vocations ecclésiastiques :
Sur ce domaine, il faut, dans la catégorie sorcellerie, tirer deux enseignements des propos de Lucien Jény. Tout d'abord Marloup.
En préambule, il est important de préciser qu'il n'y aura pas ici d'apologie de telle ou telle pensée, idéologie ou pratique. Pas plus que de stigmatisation. Nous nous bornerons à constater que Lucien Jény nous a raconté des légendes, à chercher d'où sont venues ces légendes et à les inscrire dans l'histoire de Bué à la place où elles doivent être lues.
Concernant la réputation de Bué en matière de sorcellerie, L'auteur nous évoque deux faits Le sabbat de Marloup sans trop évoquer le procès de Beaujeu, et la supériorité des sorciers de Bué sur ceux des alentours.
Tout d'abord Marloup. La relation et l'analyse du procès a été publiée et analysée par une équipe d'universitaire sous la direction de Jean-Yves Ribault. Que faire d'autre que les paraphraser ? Sur le lieu, on peut trouver des raisons à ce choix. Jény nous en donne une, le croisement de chemins importants dans une forêt qui permettait de faire des actes de brigandages. Pour connaître le lieu, l'avoir cultivé, j'ai constaté que tout ce plateau est très humide. Des mouillères, endroits humides, jalonnent le paysage. Et n'oublions pas que c'est un terrain ferrugineux. Est-ce un hasard si la foudre tombe très souvent en ce lieu ? Il y a un peu moins de quarante ans, un éleveur ramassait des bottes de foin avec son père et tous deux avaient été très grièvement brûlés. Ma mère m'a cité un cas de mort au début du siècle dernier. La foudre, un phénomène naturel qui fait peur. Que le lieu où elle tombe ait été utilisé pour pour des réunion de sorcellerie est pas étonnant.
Mais le propos qui concerne directement Bué, faisant apparaître ce village comme pays de sorciers qui dominaient ceux des alentours interpelle. Si Marloup et son procès ne concernent Bué que par la situation géographique du carroir, pourquoi cette réputation de sorciers si puissants qu'ils dominent ceux de leur secteur ?
Faut-il y voir des résurgences du druidisme ou des cultes romanisés qui auraient perduré ? Les réponses ne peuvent être données que par des recherches sur le terrain.
Restent les vocations buétonnes. Là, une partie de la réponse se trouve probablement dans l'ouvrage de Jény. Mais on peut aussi aller la chercher dans la biographie de Marie-Anne Bonin. Cette femme très dévouée, née à la Verrerie de Boucard est devenue institutrice libre à Bué puis à Saint-Satur. Son biographe en fait une sainte, ascète. Mais en lisant, on ne peut s'empêcher de trouver une foi naïve chez cette personne : lorsqu'elle allait chercher son frère noceur dans les cafés de La Chapelotte, l'auteur nous dit qu'elle "édifiait les clients du cabaret par ses chants religieux". Au heures poussées de la nuit, je pense que les clients de tels établissements sont plus réceptifs à pratiquer l'ironie ou aux plaisanteries graveleuses qu'aux chants religieux, fussent-ils parfaitement exécutés. Cependant, son dévouement pour les malades et pour son enseignement n'a pas manqué d'être un exemple pour les jeunes gens de Bué.
Les prêtres originaires de Bué depuis 1852
Les religieuses originaires de Bué depuis 1852
Commentaires
La maison de Marie-Anne Bonin, à la Petite Verrerie (en fait l'Alouette) est en cours de rénovation complète par un jeune Anglais, Geoffrey. Il a entre autres été séduit par la présence d'une chapelle accolée à la masure.
Bonne nouvelle.