Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le Moyen âge 6

1er épisode

2ème épisode

3ème épisode

4ème épisode

5ème épisode

6ème épisode

7ème épisode

8ème épisode

Le Moyen âge
à travers la littérature locale

 

Pierre-Georges Duhamel pour « Jean de Berry »

 

 

894627482_MML.jpg

 

 

Julien Molard pour « Vers l’unité de la France »

quadriloguepf.jpg

Jacques Faugeras pour « Perrinet Gressart »

935333854_MML.jpg

Pierre Braud pour « l’imagier du duc de Berry »

 ducberry.jpg

 

 

Débat animé par Jean-Baptiste Luron pour « RCF en Berry » également diffusé sur « Terroir du Cher ».

6ème épisode :

le premier écrit politique en Français

 

JBL : Bien sûr, le clergé est présent dans le quadrilogue Invectif. C'est pourquoi j'aimerais entendre un dialogue entre Julien Molard et Pierre Braud.

JM : Je voudrais dire avant qu'Alain Chartier a reçu les ordres mineurs. On n'est pas certain qu'il était prêtre. Mais dans le quadrilogue Invectif, lorsque le clergé parle, on sent bien qu'Alain Chartier était un ecclésiastique. Lorsque le peuple parle, ce sont des mots concrets, on a des phrases très courtes. Et lorsque le clergé parle, on a l'impression d'un prêche. L'imagier de M. Braud peut apporter un autre éclairage parce que Alain Chartier, c'est ce qu'on pourrait appeler, avec beaucoup de guillemets, un "intellectuel". C'est l'intellectuel de l'époque: s'il parle du peuple, il en parle comme un grand peut en parler. L'imagier, lui nous le montre tel qu'il est.

PB : C'est-à-dire que dans la population de cette époque-là, on a deux types bien différents, le paysan et le citadin. On peut peut-être encore faire un parallèle avec l'époque actuelle. Le paysan était beaucoup plus près de sa religion et de ses moines et de ses seigneurs qui le chaperonnaient. Il était plus "obéissant" que ne l'était l'habitant des villes. Villes qui pour la plupart avaient obtenu des chartes. Il y avait des corporations, forme de syndicalisme très solidaire à l'intérieur d'une même profession. Le petit ouvrage qui paraître est surtout un ensemble de faits divers du quotidien. Contrairement aux éminents historiens qui sont autour de cette table, et qui parlent très savamment de ces choses-là, le roman que j'ai appelé "l'imagier du duc de Berry" est finalement une histoire de tous les jours. C'est l'histoire de ce petit peuple qui vit avec ses poules et ses moutons. C'est l'histoire de ces tisserands, de ces maîtres verriers, de ces personnages qui avaient une forme de notoriété dans la ville, mais qui participaient à des réunions, qui allaient à des manifestations religieuses qui tenaient un grand rôle à cette époque, qui assistaient à des cérémonies comme celle de l'entrée du duc Jean de Berry en 1360 dans la ville de Bourges. Je raconte le défilé depuis le duc Jean qui passait après son épouse, avec ses filles, avec ses fous, avec son personnel, ces noms absolument invraisemblable de toute la Maison, des souffleurs, des malaxeurs... On se demande ce qu'ils faisaient. J'ai cherché à développer dans ce livre toutes les professions complètement bizarres. Ces gens-là étaient de ce petit peuple tout en faisant partie de la Maison du duc. Ils étaient différents de l'état d'esprit des serfs et des habitants de la campagne.

JM : Pour Alain Chartier, effectivement, le peuple, ce sont les gens de la campagne. Ce sont les paysans qui parlent beaucoup de la nature. C'est très étonnant pour l'époque puisqu'il parle de la Nature avec un N majuscule. Dans le quadrilogue Invectif, le peuple est couché. Alain Chartier présente le quadrilogue Invectif en disant qu'il a rêvé un matin, à moitié éveillé. Il a vu en songe la France qui s'adresse au peuple, au clergé et au chevalier. Et le peuple est vu par l'auteur couché, par terre, en haillons. Donc, c'est le paysan. Par contre, dans le manteau symbolique qui recouvre la France, il y a également référence à l'artisanat. Le peuple est représenté par le paysan tel qu'il est dans l'imaginaire Français, qui souffre, qui cultive la terre. Il y a beaucoup d'allusions à la terre au travail dur des champs et à la nature.

JBL : Pouvez-vous nous développer sur ces différents ordre, le peuple, la noblesse, le clergé et après terminer sur la France.

JM : Dans son rêve, Alain Chartier voit la France qui est une femme, aux cheveux blonds. Et cette femme est vêtue des emblèmes de la France. Des emblèmes du dauphin aussi, puisqu'il y a des dauphins sur sa manche. Il y a bien sûr des fleurs de lys. Et, au fur et à mesure qu'on descend vers le bas du manteau, sont représentés les lettres, les arts et l'artisanat. Cette jeune femme blonde s'appuie sur un château en ruine qui représente la France qui est entrain de disparaître. Cela peut intéresser l'imagier parce que, derrière ce château en ruine, il y a toute une allégorie sur une France merveilleuse représentée par les Très Riches Heures du Duc de Berry. Cette correspondance n'est pas le fruit du hasard. La France est debout. Le chevalier est, lui aussi, debout, avec son épée, lui tournant le dos. Alain Chartier le dit sévère et sûr de lui. Le clergé est assis, c'est le seul. Et le peuple est allongé ainsi que je le disais. La France va s'adresser à chacun en leur demandant "Dans quel état m'avez vous mis ?" Chacun des personnages, le clergé, le peuple et le chevalier va dire que c'est la faute de l'autre.

JBL : En somme, le quadrilogue Invectif est un pari politique.

JM : Tout à fait. C'est la première fois dans l'histoire que la France est représentée. Et de plus par une femme. Mais aussi, c'est la première fois qu'elle s'adresse à tout ce qui compose la nation: le chevalier, le prêtre et le peuple. On vient de voir que chacun de ceux-ci s'entre accuse. Mais Alain Chartier ne prend pas parti. Seulement, dans sa conclusion, le récitant s'exprime en rappelant à chacun qu'au lieu de s'invectiver, il vaudrait mieux s'unir pour combattre l'ennemi.

JBL : Le quadrilogue a-t-il atteint son objectif ?

JM : On pense qu'il a été écrit entre avril et octobre 1422. Or Charles VI meurt le 31 octobre de cette même année. Henri V, le roi d'Angleterre, deux mois plus tôt, le 31 août. Ce texte tombe au moment essentiel. A ce moment, il va falloir se ressaisir. Pour la première fois depuis Hugues Capet, c'est le petit Henri VI, fils du roi d'Angleterre, qui est déclaré roi de France et non un descendant par lignée mâle. Alain Chartier demande que la Nation se ressaisisse. C'est ce qui va se passer puisqu'à Mehun sur Yèvre, Charles VII va être déclaré roi de France à son tour. Certes, il va y avoir sept années difficiles. Et c'est l'épisode de Jeanne d'Arc à Chinon. Et puis sa chevauchée qui sera l'aboutissement de ce sursaut national.

JBL : L'image historique des voix de Jeanne d'Arc, bien sûr, mais peut-on se poser la question de savoir s'il y a quelque chose de politique derrière ?

JM : Oui, on peut. Je crois que le rôle de Yolande d'Aragon est très important. On ne peut pas se rendre compte de ce qu'était la souffrance du royaume de France à cette époque-là. On avait atteint des degrés impossibles. D'ailleurs, Jeanne d'Arc n'a pas été la première. Dans plusieurs coins de France, il y a eu des manifestations de sorcellerie, de sorcières qui se sont dites investies d'une mission. Mais la seule qui arrive à convaincre Baudricourt à la faire partir sur Chinon, c'est Jeanne d'Arc. Ce qui m'a toujours étonné, ce n'est pas le fait qu'elle entende des voix. Ce n'est pas le fait qu'elle arrive à Chinon, qu'elle réussit à atteindre le roi, c'est le fait qu'elle soit acceptée comme chef de guerre par des hommes comme Xaintraille, comme Gilles de Rai qui étaient des personnalités fortes. On sait qu'elle n'avait que dix-neuf ans. Et c'était une femme.

1er épisode

2ème épisode

3ème épisode

4ème épisode

5ème épisode

6ème épisode

7ème épisode

8ème épisode

Les commentaires sont fermés.