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La disparition du prieuré de Bué

Dans un article précédent, nous avons vu que la présence d'un bâtiment dépendant de l'abbaye de Chalivoy était indubitable.

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 Pour le situer, il faut se baser sur des traces au sol. Philippe Auchère et son père Jacques ont bien voulu nous présenter les découvertes de 1976. Il est bien évident que ce genre de découverte ne concerne pas une simple grange à pressoir. Sur la photo aérienne (merci Google), j'ai resitué le lieu où elle ont été trouvée. C'est le plateau derrière le bois dit de l'Abbaye. A deux endroits, j'ai marqué deux pierriers (perrois en parler local). Il resterait maintenant à faire entrer dans la danse des archéologues qui pourraient donner les précisions nécessaires.

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 Mais pour comprendre l'évolution du patrimoine religieux de Bué, reprenons Lucien Jény là où nous l'avons laissé :

Le pré de l'Abbaye - Vestiges du prieuré et autres souvenirs anciens - la légende des Cloches

Au bas de ce même bois de l'abbaye existe un terrain d'environ trente à trente-cinq ares, aujourd'hui en pré, bordé d'un côté par la route qui va à Marloup [note du blogueur : comprendre la rue qui passe devant la maison du Docteur Michaïlesco, la route de Menetou, D85, n'existait pas à l'époque de Lucien Jény], de l'autre par l'ancien chemin de Coinches et, en haut, par des propriétés privées. Ce pré est tout bossué et mouvementé et ces légers mamelons cachent les débris d'anciennes constructions, c'est-à-dire du prieuré et de ses annexes. Des découvertes y ont été faites à diverses dates : on a mis à jour, notamment, une certaine fois, à un mètre cinquante environ de profondeur, en y enterrant un cheval, des pierres de taille avec des vestiges de sculptures, des fragments de pierres tombales, des dallages qui s'effritaient de vétusté lorsquon voulait les extraire, des boiseries de fenêtres et de nombreux débris de maçonnerie. Dans d'autres circonstances, notamment, paraît-il, vers 1816, en creusant le sol pour y planter des noyers, on aurait découvert les traces de certaines sculptures et, en tout cas, d'anciennes calottes de moines, en cuir verni avec de petites boucles de métal jaune : on aurait fait brûler ces calottes pour en éviter la dispersion en des mains quelconques et par respect pour les morts.

La tradition veut que, dans ce même pré, ait existé un puits actuellement comblé et sur l'emplacement duquel aurait poussé un noyer. Ce puits, ajoute-t-on, renfermerait de nombreux débris qu'on y aurait jeté lors des guerres de religion qui ont ensanglanté le Sancerrois. C'est aussi un puits à souvenirs légendaires, qu'une crainte superstitieuse a toujours empêché les Buétons de fouiller : il passe pour contenir les anciennes cloches du prieuré, qui y auraient été précipitées par les calvinistes dans une de leurs incursions. Mais chaque année, à Noël, depuis peut-être deux siècles et plus, à l'heure de la messe de minuit, ces cloches protesteraient à leur manière contre leur enfouissement sacrilège. On entendrait sous la terre leur sonnerie saluant, telle qu'un carillon lointain d'outre-tombe, la Nativité de l'Enfant-Dieu, comme on entend parfois en Bretagne, au fond de l'océan, des cloches de la ville d'Is engloutie, - charmante et poétique croyance, qui témoigne une fois de plus que le Berry peut offrir aux chercheurs d'aussi touchantes légendes que telle ou telle province renommée sous ce rapport !

Dans plusieurs maisons de Bué on montre encore d'anciens objets qu'on prétend provenir de l'abbaye, par exemple, de petits chandeliers d'autel, etc. A l'auberge Thuillier, à l'Estérille, le voyageur peut voir dans la cheminée de la grande première salle deux chenets en fer extrêmement anciens et curieux, dont chacun, à cette extrémité sur laquelle on pose ses pieds lorsqu'on se chauffe, se termine par une sorte de large épaulette d'où tomberaient, au lieu de franges, des touffes de feuilles d'arbre qui paraissent être des feuilles de chêne, bien que les siècles en aient amorti les contours. Ces chenets passent également pour provenir de l'abbaye ; certains amateurs en auraient offert des prix très élevés.

Même en faisant la part des exagérations inséparables de toutes les légendes, il paraît vraisemblable que des fouilles intelligentes amèneraient des découvertes non dépourvues d'intérêt, soit dans ce bois même de l'abbaye, soit dans le pré qui en longe la lisière, du côté du chemin des Coinches.

Ajoutons que ce bois était bordé autrefois, au moins sur certains côtés, d'une forte muraille d'environ trois pieds d'épaisseur, encore à fleur de terre en plusieurs endroits, et le long de laquelle on croit qu'étaient pratiquées, à certains intervalles, de petites constructions, peut-être des espèces de cellules pour le contemplation et la prière.

Destruction du prieuré - L'Hôtel des Moines de Chalivoy - Le Blason d'un cardinal

Le prieuré aurait été détruit du temps des guerres de Mouron, disent les anciens du pays. Cette expression, dans le Berry, s'entend, à proprement parler, de l'époque des guerres civiles de Saint-Amand-Montrond, sous Louis XIV. Mais elle est devenue, dans la bouche des paysans, une sorte de terme générique servant à désigner toutes ces périodes toutes périodes de troubles civils qui s'étendent de la Jacquerie à la Révolution (Cte de Jaubert, Ve Montrond), de sorte qu'il est difficile de savoir à quelle date exacte peut remonter la destruction de ce prieuré qui a dû être démoli au cours du XVIe siècle, dans certaines guerres de religion, lesquelles, comme nous le verrons, ont beaucoup endommagé l'ancienne église.

Ce prieuré ne fut pas reconstruit, mais les moines de Chalivoy conservèrent ou reprirent leurs possessions de Bué. Chaque nnée, jusqu'à la Révolution, ils venaient faire les vendanges et donnaient, à cette occasion, des divertissements champêtres (danses, feux de joie, etc.) Ils descendaient, en ces circonstances, dans ces circonstances, dans une maison située à l'intersection de la rue des Juifs et de la rue des écoles et qu'on appelait pour cette raison l'Hôtel des Moines de Chalivoy.

Dans sa statistique monumentale du Cher, M. Buhot de Kersers paraît avoir confondu cet hôtel avec le prieuré, ou plutôt ne pas s'être rendu nettement compte de ce qu'étaient ces deux ordres bien distincts de constructions : "Près de Venoise, dit-il, on signale aussi des ruines qui ont gardé le nom de l'abbaye. Il semble que ce doit être une ancienne propriété de l'abbaye de Chalivoy qui possédait à Bué un domaine ou prieuré que l'on nommait l'hôtel de Bué".

 Je pense au contraire que le terme de prieuré ne doit s'appliquer qu'aux vestiges des constructions du bois de l'Abbaye, qui devraient être appelé plus exactement : bois du prieuré.

D'un autre côté, le touriste ne devra pas confondre l'hôtel de Bué des moines de Chalivoy avec une autre maison située dans la rue qui part du Carroux pour se diriger vers l'Estérille et qu'on appelait autrefois Grand Hôtel, uniquement parce que là était jadis la principale hôtellerie du bourg. Nous avons déjà nommé plus haut ce Grand Hôtel à propos d'une haire de buis qui l'avoisine. Aujourd'hui désaffecté de son ancienne destination, il appartient à M. JB Etienne Ducroux, instituteur en retraite à Bué, à la grande obligeance duquel je me plais à rendre hommage en ce qui concerne plus d'un renseignement consigné dans cette étude locale.

Pour en revenir à l'ancien Hôtel de Bué des moines de Chalivoy, et comme souvenir du séjour de ces religieux, on trouve encore dans l'une des chambres de cet immeuble une plaque de cheminée où se voient en relierf un chapeau de cardinal avec divers attributs archiépiscopaux, tels que mitre, crosses, etc. ; au centre de cette plaque on distingue une sorte d'écu armorié soutenu par deux enfants nus; les pièces de cet écu paraissent être au nombre de trois, et de forme circulaire, comme seraient des coquilles ou de petites têtes humaines. La terre de Bué relevant, avant la Révolution, du chapitre de Saint-Etienne de Bourges, ces armes doivent être celles d'un cardinal archevêque de cette église métropolitaine, mais les pièces de l'écu sont trop effacées pour que je puisse me hasarder à préciser auquel de ces archevêques elles s'appliquaient. Un ecclésiastique très versé dans l'ancien armorial de l'archevêché pourrait peut-être se montrer plus affirmatif, après un examen approfondi. Il y avait autrefois dans cette maison deux autres de ces plaques, identiques l'une à l'autre : à la suite de certains partages entre cohéritiers, l'une d'elles a été transportée dans le haut de Venoise, au quartier de la Croix de Saint-Laurent, chez un nommé Crochet Jean-Baptiste. Il n'existait pas moins de dix-sept fermes dans la toiture de l'hôtel des moines de Chalivoy."

 Lucien Jény, dans son long exposé nous donne beaucoup d'éléments. Dans un prochain article, nous essaierons de les interpréter.

 

Commentaires

  • Une enquête de plus en plus passionnante! Avec une carte, on situe mieux...

  • La carte du cadastre de 1819 serait plus adaptée parce que la route d85 qui coupe les prés de l'époque n'existait pas. La demeure bourgeoise et les caves de La Poussie non plus.

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