Est-on bien pressé ?

Peut-on faire confiance à la presse ?

Question bateau qu'il est bon de se poser de temps en temps... ne serait-ce que pour permettre à ses acteurs de s'interroger sans cesse sur le bien fondé de leur action.

Restons à notre niveau

Pour ce qui est de la presse nationale, le sujet est trop vaste pour que nous nous y attachions. C'est pourquoi il paraît raisonnable d'en rester à la manière dont l'information circule à notre niveau.

Un tournant est passé

Avec la baisse de la vente, dans nos campagnes, deux quotidiens ne pouvaient plus vivre. Et dans le Cher comme ailleurs, nous avons vu disparaître la pluralité... Fallait-il s'en plaindre du point de vue du consommateur - lecteur ?

Une grande partie des informations émanent des collectivités territoriales qui ont besoin de faire relayer leur action auprès du public. C'est ainsi que de nombreuses réunions de communication sont à l'initiative des élus - politiques ou professionnels - ou de leurs bras droits. En général, le journaliste est bien traité : dossier de presse quadrichromie très bien étudié, petits fours à la fin, voire repas.

Lorsqu'il y a concurrence entre deux médias du même type, si un journaliste n'a pas répondu aux attentes, on prévient le responsable de la rédaction, qui de peur de se voir supplanter dans le secteur par le concurrent, ne renvoie pas le même rédacteur. Tandis que lorsqu'il n'y a plus de concurrence, ce chantage ne peut avoir lieu.

De mauvaises habitudes ont été prises

Je me souviens des anecdotes racontées par Jacques Faugeras sur ses concours de rapidité avec son concurrent mais néanmoins ami Henri Boudrant : Les soirs de conseil municipal, ils assistaient chacun de leur côté aux conseils municipaux de Sancerre et se dépêchaient d'envoyer leurs feuilles respectives à leur journal.

Il y a quelques années, je me souviens d'avoir appelé un rédacteur d'hebdomadaire avec lequel je pensais avoir quelques souvenirs communs à propos d'un article qui m'avait quelque peu éreinté :

- Comment peux-tu écrire cela ?

- C'est écrit dans le compte-rendu que j'ai reçu. Et il y a le tampon, donc c'est officiel.

- Ce qui veut dire que tu n'es plus journaliste mais organe officiel de celui qui te l'a envoyé.

- Ah non ! J'ai ma carte de presse. C'est pour cela que je ne peux pas changer.

Pour l'anecdote, peu de temps après, j'avais rencontré le responsable du tampon officiel qui m'a dit avoir été débordé par un de ses collaborateurs... Plus que l'origine de la faute, c'est le manque de liberté de la plume qui importe.

Et aujourd'hui, où en sommes nous ?

C'est pire encore. Alors que les dirigeants des médias n'ont plus la pression de la concurrence, ils répondent toujours favorablement aux demandes de censure.

Anecdotique ? J'étais bénévole à RCF. Parmi les dossiers de la semaine, un de la chambre régionale de commerce qui voulait promouvoir les suceuses à grain. Une dizaine de journalistes, présidents régional et départemental de la chambre et des syndicats majoritaires (FDSEA et CDJA) et deux concessionnaires. Repas pour tout le monde à la fin (faim ?) Diable ! Déplacer tant de monde et faire tant de frais pour une machine... Tout le monde notait ce qui nous était débité. Pour comprendre l'importance de ce matériel qui permet de stocker et récupérer du grain dans de vieux bâtiments d'habitations, il faut se resituer dans le contexte : Peu de temps auparavant avait eu lieu l'accident des silos de Blaye. Et il s'agissait de transférer le stockage de la collectivité à l'exploitant. Ces gens-là connaissent leurs "administrés" et ils avaient préféré faire passer par la suceuse à grain plutôt que d'imposer ce changement de responsabilité. J'avais, par plusieurs questions pressantes, réussi à faire avouer du bout des lèvres, de guerre lasse, à un responsable la raison réelle de cette réunion... Deux mois plus tard, pour une réunion nationale sur les semences, mon directeur de radio m'avait dit qu'il préférait que le sujet soit traité par un chirurgien bénévole qui s'occupait de culture habituellement. C'est vrai qu'il ne risquait pas de poser des questions sensibles comme sur la génétique. Cela m'avait amusé et à la fin de la saison j'avais décidé de cesser mon bénévolat agricole !

 Copinage... comme partout ailleurs

Mais là où cela devient une véritable entreprise nuisible à nos institutions, c'est lorsque, sciemment, on truque la vérité pour complaire à des amis. Trucage qui berne l'ensemble de la population :

Il y a quelques années, un auteur, Gilbert Moreux, en travaillant sur la Résistance dans le Morvan, découvre que Jean Lebaudy, qui est présenté comme collaborateur dans l'affaire Mis et Thiennot, est un dirigeant de cette organisation assez haut placé. Pour avoir suivi cette affaire et avoir pris fait et cause pour les deux assassins, Gilbert est plus que perplexe. Il en parle à un de ses conseils qui le renvoie vers un ancien policier retraité près de Sens. Les soupçons se confirment et après trois ans d'enquêtes, nous allons sortir d'ici peu un livre faisant état de cette enquête.

Tout récemment, nous avons vu qu'une nouvelle demande de révision, la sixième, a été rejetée. Il suffit d'une revue de presse rapide pour voir que les motivations du rejet ne sont pas évoquées... Dès lors, les soutiens ont beau jeu de dire pis que pendre sur la Justice... Et ils sont crus.

Qu'en retenir

Il faut dire que le plus flagrant est derrière nous : On a vu, mises en avant comme l'avait remarqué un blog il y a quelques années, des vedettes qui passaient à Sancerre, non pour y exercer leur art mais à cause des productions locales... Des événements qui auraient pu arriver étaient régulièrement notre lot quotidien ou hebdomadaire. Ainsi, on a vu un article d'une demi page sur quelqu'un qui était passé huit jours avant dans l'une des twin towers.

On a vu mis en avant des propos peu en phase avec l'histoire locale, approximatifs ou carrément erronés. Il est vrai que les grandes gueules, les abonnés aux cocktails, les élus "rodomontants" et les querelleurs de bac à sable ont plus de chance d'être entendus que les rats d'archives. D'où une relative pauvreté et une relative vanité des informations.

N'oublions pas que Maurice Maréchal a donné sa lettre de congé à un de ses chroniqueurs qui avait vu fleurir sa boutonnière. A celui-ci qui lui disait qu'il ne l'avait pas demandé, le directeur - fondateur du Canard enchaîné a répondu : "il ne fallait pas la mériter."

Il est vrai qu'une boutonnière vierge est un gage de bonne information.